Collé ? Le quotidien, quoi.

-ENFLURE DE PROF DE CHIMIE.

Attisées par un fringant désir de détruire tout ce qui se trouvaient à l'entour d'elles, les jambes d'Eflamm cognèrent violemment un des quatre pieds de la table en bois, arrachant une moue agacée à la jeune fille. Le piteux cadran en fer servant d'horloge annonçait précisément 18h00 et elle s'était retrouvée en colle par de bien regrettables circonstances, selon elle. Elle avait déclaré ne juste avoir lancé un morceau de gomme dans l'œil du prof parce que celui-ci lui brisait les tympans. N'était-ce pas dans son droit de protéger ses malheureuses oreilles ?
En cette glaciale soirée d'hiver, elle était donc dans la salle d'étude la plus mal entretenue de tout l'ensemble de l'académie. Des murs dont la tapisserie était peintes en moisissure, des tables à demi rongées par les mites ainsi que des traces poisseuses présentes sur les vitres non lavées.
Et ne parlons point de la toiture où l'on pourrait imaginer qu'une météorite se soit écrasée contre celle-ci, tant les fondations étaient craquelées et trouées à certains endroits.

-Mademoiselle Gaunt, calmez-vous ou je vous envoie chez le directeur.

Cette voix brutale et cassante de la surveillante laissa Eflamm échapper un hoquet de surprise, invoquant alors le silence qui régnait à présent dans la salle. Un mot de réplique resta suspendu aux lèvres de la jeune fille, celle-ci résistant à l'envie de le hurler à faire écrouler la pièce. Il lui fallut deux bonnes minutes pour s'extirper de sa fureur et ainsi reprendre une attitude normale, griffonnant à nouveau sur un bout de papier rose saumon.
Mais elle se lassa bien vite de cette distraction. Et désirant leurrer son ennui, elle se contenta ensuite de balayer la salle du regard, remarquant ainsi qu'il y avait moins de monde que d'habitude. Aussi, avec le nouveau personnel de discipline tyrannique cette année, personne ne voulait s'attirer des ennuis. Excepté Eflamm, manifestement.
Ses yeux stoïque restèrent figés sur un jeune homme blond assis à quelques tables au front d'elle, dont l'allure dégageait une étrange sensation d'amusement. Il était assis comme s'il attendait que la mort vienne l'embrocher, une attitude très militaire et renfrognée avec un air affligeant le témoignant sur ses traits.
Ce qu'elle s'apprêtait à faire allait lui briser toute sa crédibilité. Soit.
Elle prit le bout de gomme qui lui restait et le lança droit sur la tête du blond et attendit sa réaction en poussant un petit ricanement intérieur.

-...

Eflamm venait de recevoir un projectile non identifié sur la tête, dont l'auteur de cette plaisanterie était sans doute le blondinet.
Sans un mot et ne laissant aucune émotion perturber ses traits, elle le déplia brutalement et y découvrit un message. Celui-ci l'envoyait promener royalement. Ses yeux révulsés de stupeur ne trouvant d'autre intérêt que le sol et tapant nerveusement le sol grinçant de ses pieds, elle poussa un long soupir de lassitude suivit d'une légère moue agacée, découragée par la non-enthousiasme de son ami en cette si belle soirée de retenue.
Une idée lui traversa l'esprit subitement, faisant rouvrir brusquement ses yeux de feu. Rester dans cette salle une minute de plus et elle fera un massacre. Il fallait qu'elle sorte, c'était l'heure de trop, cette semaine.

Elle balaya la salle du regard, le soutenant quelques secondes sur la surveillante aux allures dédaigneuses qui somnolait dangereusement au dessus de son roman. Puis discrètement, elle écrivit sur un bout de papier un message sur lequel était marqué -Oh, tu ne veux pas sortir d'ici un peu ?- suivit d'un léger « Psst », espérant attirer l'attention du jeune homme devant elle.

Elle pris ensuite une boulette de papier qu'elle laissa dans la paume de sa main, jetant des regards furtifs qui passaient de la boulette de papier à la surveillante, espérant que son futur complice comprenne son plan.
La pièce allait bientôt succomber au noir total au dépit d'une pauvre lumière, laissant aux deux délinquants entrer bientôt en action.

Spoiler:

*Bordel mais j'arriverai jamais à viser correctement ou quoi ?!*

En effet, Eflamm, malgré son acharnement et son temps de précision au lancé de sa 9ème boulette de papier, n'arrivait toujours pas à effleurer ne serait-ce qu'un cheveu de sa victime.
Elle se découragea très vite, la fureur pouvant se lire sur son visage.
Elle rageait rien qu'à la pensée que son complice arrivait sans mal à toucher la jeune femme.
Une idée soudaine (et malsaine) atteint ses neurones. Oui, ce serait beaucoup plus facile comme ça. Si d'aventure elle en venait à manquer sa cible une nouvelle fois, elle ne parviendrait pas à se retenir d'aller se taper la tête contre le mur jusqu'au sang.

Un grand sourire sadique vint perturber ses traits suite à sa nouvelle idée, son regard fourbe se dirigeant vers la chaise qui occupait sa place voisine. Il ne coûtait rien de tenter le diable.
Elle pris donc cette chaise de ses deux mains, et d'une force colossale, elle l'envoya valser en direction de la tête de la surveillante. Celle-ci, dans un réflexe vital, s'était brusquement baissée sous le bureau, ayant lancé son roman par surprise. Génial. Ce coup réussi donna beaucoup plus d'énergie à Eflamm, sa motivation grandissant à vue d'œil. La chaise se fracassa contre le tableau derrière elle dans un bruit sourd, qui arracha un cri effroyable à la pauvre femme déjà cachée sous le bureau, ne sachant que faire contre deux délinquants complètement dérangés.
Eflamm laissa échapper un petit ricanement de fierté, les mains empoignant ses hanches.

*Gnahaha je l'ai eue cette fois... prends-en d'la graine, blondinet.*

Elle sortit de ses pensées puis pivota vivement vers le dit blondinet, son regard traduisant celles-ci ainsi qu'un pouce vers le haut l'incitant donc à la suivre dans cette nouvelle attaque contre l'ennemi.

-Ouais, on dégage. Approuva Eflamm, les mains dans les poches.

Elle s'engagea à petits pas précipités vers la porte tant attendue de la liberté. Mais à peine l'avait-elle franchie qu'elle percuta un... monstre ?
Un grand gaillard baraqué dont l'énorme tête hirsute était soutenue par un cou quasiment inexistant reposait ses yeux noirs de fureur sur ceux d'Eflamm, la faisant bondir d'un bond en arrière.
Ce devait sûrement être le proviseur, si l'on en juge le regard admiratif émanant de la surveillante qui s'était déjà réfugiée à ses côtés.

-Il y a du grabuge ici... Mademoiselle Gaunt ?!

Aucune pointe de sympathie ne vint perturber sa voix froide et imperturbable, cette voix si rauque qu'elle en ferait trembler les murs de la salle, déjà assez délabrée. Il prit le cahier d'appel de la surveillante qui partit aussitôt de la salle en courant, de peur d'avoir à subir la colère de son patron au sujet de sa non-autorité envers deux pauvres élèves. Il pointa de son gros doigt charnu le nom d'Eflamm et du blond, présents sur la liste des deux condamnés à être en retenue.

-Excusez mon camarade... Vash. Ajouta-t-elle après avoir jeté un oeil sur la liste d'appel. Il ne doit plus avoir toute sa tête.

La témoin partie et grâce au regard mielleux et innocent d'Eflamm, celle-ci savait très bien que cela pouvait tourner à son avantage. Suite à ces paroles humiliantes pour Vash, elle rendit discrètement au blondinet le doigt d'honneur qu'il lui avait offert il y quelques minutes, l'air toujours imperturbable.

Elle sentit l'agacement la gagner, les poings serrés. Après les paroles accusatrices de son camarade (même si elles s'avéraient être justes), le proviseur dirigea promptement son regard vers Eflamm.

-Bon, je pense que je vais aller voir Mademoiselle Lamarque pour savoir...

Comme toujours lorsqu'elle se trouvait en proie à son désarroi, Eflamm regardait le sol et se mettait à réfléchir rapidement à une idée pour que le proviseur lui fiche la paix. Bon ils n'allaient tout de même pas débattre comme ça jusqu'à demain, surtout que cela commençait à aller à l'encontre de sa crédibilité face au proviseur.
Elle se lassa de ces pitreries et prit parti de tout miser sur la faiblesse du proviseur, qu'elle ne connaissait que trop après l'avoir souvent vu entrer dans les salles de classe avec un oeil stressé et plus qu'attentif envers les tableaux.
Elle l'interrompit dans ses paroles en l'interrogeant :

-Ho sur le tableau... Ne serait-ce pas une trace de feutre mal effacée ?

Il se stoppa net dans son élan et tourna la tête lentement. Son visage changea subitement, ses traits se raidirent et laissèrent place à une expression de mal-être. Il transpira, sembla hésiter... Pour finalement passer en trombe devant les deux délinquants et traverser la pièce en courant vers le tableau avec des « OU ÇA OU ÇA OU ÇA » affolés.
Dans un rire sonore, Eflamm profita de l'occasion pour donner un coup à Vash à l'arrière de la tête, avant de s'éclipser de la salle rapidement. Il l'avait bien cherché après tout, même si elle savait qu'il y aurait des représailles.

-A LA REVOYURE TRES CHER !