Le texte qui suit est juste un ramassis de pensées et de pages déchirées et noircies de mots sans forcément de suite.23 Juin 2002. Un papillon se pose sur le bout de mon nez, au milieu des tâches de rousseur. Walace aboie, je me penche vers son gros museau marron foncé et y laisse un petit baiser. Il fait chaud et sec ; ça sent l'été.
J'ai eu six ans hier. J'ai mis ma robe bleu à fleurs multicolores. Celle avec un ruban dans le dos. La plus belle. On a mangé de la tarte aux figues séchées. Maman la fait admirablement bien.
J'ai hâte que nos cousins nous rejoignent, ici, dans notre « maison de province », comme dit papa.
Quand le temps est magnifique comme aujourd'hui, on peut aller chercher des cerises dans les champs qui avoisinent la route. Et les buissons de bruyère regorgent de coquilles d'escargot. On mettra du caramel dedans. Ce sera super.
20 Août 2012 Je garde les yeux clos un instant. Qu'avais-je fais la veille ? Pourquoi ai-je si mal au crâne ? Pourquoi cette odeur de petit-dèj me soulève-t-elle le cœur ? J'ouvre un œil... Je suis sur un lit qui n'est pas le mien... Je me redresse ; je suis totalement nue... Ça me revient... J'étais allée à une fête hier soir... A priori, ça a plutôt mal tourné. De toute façon, c'était une soirée de merde ! Il n'y a avait que des camés et deux ou trois copines plus ou moins sympa. Bah, j'ai du boire un verre ou deux, trois peut-être... Peu importe, je ne sais pas ce qu'ils avaient rajouté dedans, mais c'était pas de la grenadine. J'ai sans doute fini la nuit ici avec quelque abruti prêt à sauter sur la première un peu imbibée.
Cette chambre sent mauvais ; de la transpiration mêlée à un vague fumet d'herbe et cette odeur de graillon qui rend le tout décidément insupportable. Je me lève est commence à chercher ma culotte. Je finis par la trouver dans la poubelle ; de la bière a coulé dessus, de toute façon elle est complètement déchirée. Tant pis, j'enfile mon jean sans rien, décroche mon soutif délavé du haut d'une porte menant à des toilettes, et passe mon tee-shirt qui traînait sur la moquette grisâtre. Je jette un œil à la fenêtre. Chance ! C'est une piaule de plein pied. Il est bien évidemment hors de question que je sorte par la porte et vois le visage du mec -si c'en est un- avec qui j'ai baisé. Je vérifie une dernière fois que je n'ai rien laissé derrière moi -à part la culotte- et saute par la fenêtre.
Comment ai-je pu en arriver là ?
16 Juillet 2007 Mon cousin Antoine, qui a quatre ans de plus que moi, m'enfonce mon chapeau de paille sur la tête. Mes boucles châtains s'agitent dans le vent marin. La méditerranée est un peu violente aujourd'hui, ça ne nous a pas empêché de nous baigné. Étant un peu trop fraîche pour moi, je suis retournée sur le sable et me contente à regarder les autres s'amuser. J'ai pris « les Hauts de Hurle vent » avec moi, mais je n'arrive pas à lire en ce moment.
C'est Antoine. Quand il est là, je ne peut pas m'abstenir de focaliser mon attention sur lui. Il a une aura très attractive.
Il s'assoie à côté de moi. Pourquoi ai-je l'impression d'attendre quelque chose de lui ? Ça me met mal à l'aise, il a dû s'en rendre compte, parce qu'il commence à prendre un air d'excuse. Il prépare un discours pour expliquer quelque chose qui va me déplaire...
-Tu sais Emeline, il regarde ses orteils bronzés par nos nombreuses journées passées en bord de mer,
qu'à l'automne dernier, je suis entré en seconde. Je hoche la tête pour qu'il continue.
Il y avait avec moi pleins d'ancien amis de collège, on était tous très content de se retrouver... Et en particulier avec... je le fixe, anxieuse, sentant le coup venir.
...Élise. et voilà, j'en étais sûre.
On sort ensemble depuis novembre. Je baisse les yeux. Pourquoi suis-je déçue ? Je suis jalouse de l'amoureuse de mon cousin ? Je ne veux pas le partager, je l'adore, on passe toutes nos vacances ensembles depuis toujours. Maintenant qu'il y a une fille importante dans sa vie, ce ne sera plus comme avant. Je m'y attendais... Un beau gars comme lui... Je peux me dire que j'ai de la chance de l'avoir eu pour moi jusque là... Mais... On a beau s'y attendre, ça fait toujours un choc.
-Tu me rassures. Je ne sais pas pourquoi... J'appréhendais ce moment. J'étais persuadé que tu m'en voudrais. Je suis bête, on se comprend toi et moi, j'aurais pu te le dire tout de suite. Tu me pardonnes?"Non, tu as tort, on ne se comprend plus. Précisément depuis l'instant où tu as ouvert la bouche." Cette réponse me brûle les lèvres, mais je me tais. Il donnait le change depuis le début des vacances, mais en fait, à présent je ne lui sert plus que pour s'occuper durant l'été.
Pourquoi est-ce que je lui en veux ? Ce n'est pas sa faute... Il a le droit d'avoir une copine. Il ne m'appartient pas... Je suis bizarre...
-Oui Antoine, n'hésite pas à m'en parler si besoin ! Tu peux compter sur moi ! Bon, maintenant, vas te baigner ! Je m'en voudrais de te retenir, tu dois profiter de tes vacances. Tu vas bosser dur cette année ! Il se lève et me souris. Il a de magnifiques yeux gris, mais au soleil, ils deviennent bleus... Quelle chance, moi je n'ai que deux yeux marrons, tous simples, comme tout le monde.
02 Mai 2012 Je suis dans le bus, j'observe les gouttes de pluie ruisseler le long des vitres. Antoine m'a appelé il y a un peu plus de trois quarts d'heure. Il avait une voix qui aurait arraché des larmes a un cœur de granite. Élise vient de le plaquer.
Je grimpe l'escalier de l'immeuble qui abrite son studio. J'entends un faible sanglot, une plainte étouffée. Je frappe à sa porte...
-Antoine ? C'est moi. Je peux entrer ?
-C'est ouvert. geint une petit voix rauque.
Je pousse doucement la porte. Il est recroquevillé dans un coin. Les yeux cerclés de larmes.
Je m'accroupis à côté de lui et pose ma main sur son front. Il est brûlant, comme je m'y attendais. Il lève ses beaux yeux gris sur mon visage, puis détaille ma tenue. Il fait une moue de dédain. Je porte un vieux jean et un sweat-shirt.
-Tu pourrais être plus féminine. grésilla sa voix.
-Tais toi, je me suis juste dépêchée après ton coup de fils. Ça me semblait plus important que de choisir une jolie tenue. je marque une pause.
Je vais te faire un thé. Tu veux quoi, bergamote, jasmin ou citron ?
-J'ai pas d'thé ici.
-Ah. Un chocolat chaud alors ?Il me répond par un grognement.
Je me lève et fouille dans les placard de sa minuscule cuisine.
-Quel temps pourri ! Encore un grognement. Pas facile de changer les idées de quelqu'un qui vient de vivre une rupture. Je crois bien que ça fait plusieurs mois que son couple bat de l'aile, mais il évitait le sujet avec moi. Parler d'amour ne nous a jamais réussi.
Je verse du lait dans une casserole, allume la plaque électrique et retourne m’asseoir auprès de mon cher cousin. Je le prends dans mes bras. Au fond, ce n'est qu'un gamin, comme moi. Il entoure mes épaules de ses bras, je sens la chaleur de son front de plus en plus fort. Il dépose un bisou dans mon cou, je frémis agréablement et ferme les yeux.
-Elle te méritait pas.
-Tu crois ?
-J'en suis sûre.Je pouvais enfin l'affirmer. Pauvre Élise, je ne l'ai jamais vue et je la juge direct. Bah, après tout, c'est de sa faute s'il est dans cet état.
-Et toi, je te mérite ?J'ouvre les yeux brusquement. Je m'écarte de lui pour mieux le considérer... Sa phrase a rebondit dans ma tête une bonne centaine de fois avant que je puisse articuler :
-Que veux-tu dire ?Il me fixe. Tandis que je me noie dans un océan d'iris à la couleur d'un ciel d'orage, il me saisit par la taille me serre contre son torse... puis embrasse tendrement mes lèvres...
Il me semblait jusqu'à présent être un peu jeune pour lui, mais je crois que, en vu des circonstances, de nos états respectifs, de ma maturité, du fait que j'aurai bientôt seize ans et du fait que l'on se connaissait trop bien mutuellement, ça ne rend la chose pas si grave... ça ne nous dérange pas...
Il tire mon sweat. Je me laisse faire... Quelques minutes passe, une odeur de lait brûlé se fait sentir, mais je m'en fiche, j'ai d'autres choses à gérer... Je suis en sous-vêtements dans les bras à peine musclés de mon cousin, et sur sa moquette. Pour une première fois on peut rêver mieux comme décor. Mais en ce qui concerne la personne, il n'y a aucune erreur.
Je le serre fort pendant qu'il embrasse avec tendresse chaque centimètre carré de ma gorge désormais brûlante. Je ne sais pas ce qu'il pense, mais moi, je ne pouvais pas rêver plus beau moment en mon existence. Il est parfait. Élise est décidément bien sotte. Ça m'attriste seulement qu'il soit obligé d'avoir besoin d'être consolé pour se décider à coucher avec moi. En temps normal, il doit me percevoir comme une gamine.
Ah merde ! Je me fiche de l'âge ! Il pourrait avoir quarante ans, tant que c'est lui, ça me va !
J'embrasse son front en y mettant tout mon amour, je ne veux pas que ce soit éphémère... Ce n'est pas juste. Je crois que je suis un peu nerveuse... Il faut que je me détende...
Quelques heure plus tard, je me réveille doucement avec l'impression d'avoir passé un tournant de ma vie sans en avoir assez profité. Je pose mes lèvres sur la bouche d'Antoine. Il me regarde. Il me semble percevoir de l'incertitude dans tout ce gris, peut-être même des remords. Regrette-t-il d'avoir fait l'amour avec moi ? Je me redresse et constate que la moquette auparavant impeccable est à présent entachée. De mon sang -rien qu'a le voir, ça m'en arrache encore des douleurs- et de la sueur.
-Il va falloir nettoyer.Il hoche la tête, je me mets à rire. Peut-être par nervosité, je ne me rends pas bien compte encore de ce que je viens de faire. Je m'enroule dans une couverture qui traînait non-loin et me dirige vers la cuisine. La casserole est fichue, forcément.
23 Juillet 2012 En vacances chez mon oncle. Pas le père d'Antoine. Non, celui des deux petits derniers, de 3 et 5 ans. Je vais passer un été formidable ! Antoine lui, va bosser en tant que mono en colonie de vacances. Mes premières vacances sans lui. Il s'en ai beaucoup voulu d'avoir couché avec moi. Je ne peux pas lui dire que je l'aime, ça le ferais fuir. Ce n'est pas assez réciproque. En attendant, je vais réfléchir comment m'occuper ici. Paraît-il qu'il y a des petits boulots dans le coin, ce serait sympa.
1 Août 2012 Je me suis dégoté un job dans un snack pas loin de la plage. Il y a pleins de jeunes sympas qui bossent avec moi. Parmi eux, une bande de garçons m'ont proposé de venir faire la fête avec eux et d'autres de leurs amis au bord de la mer et tout. Ça va être formidable !
8 Août 2012 J'ai prévenu Patrick -mon oncle-, ça lui a plu que je me fasse des amis. Tant mieux, du moment que j'ai la paix !
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On est à peu près une dizaine, il y a un feu de camp, des marshmallows et quelques canettes de bière. Je salue les gens que je connait. Jérémie me présente aux autres.
Jérémie, c'est le leader de la bande de garçons rencontrés au fastfood. On me serre un verre de bière. Je m'abrutis au son de la musique et au contact du corps dansant des gens qui m'entoure.
A l'aube, ceux qui ont la gueule de bois vont dégobiller dans les touffes d'herbes tandis que je j'observe le bleu glacé de la mer en compagnie d'un gars dont j'ai oublié le prénom ; il faut croire que l'alcool a des effets étourdissants. Mes paupières sont lourdes ; je pose ma tête sur son épaule et essaie de me reposer. Il doit penser que je cherche à le séduire, car il saisit délicatement mon menton entre son pouce et son index et approche ses lèvres des miennes. Je ne cherche pas à le repousser. Il est gentil... et beau en ce soleil levant.
27 Août 2012 J'ai enchaîné les fêtes durant tout le mois. Mais hier soir, les garçons ont poussé le bouchon un peu loin. On nous a proposé de l'herbe à moi et à d'autres filles, et puis je crois bien que j'ai couché avec un des mecs. Ou peut-être deux...en même temps. Il y a des photos...
Je ne sais pas trop quoi penser. De toute façon, je rentre demain à la maison. Il n'y a pas de raison pour que je revois tout ce monde.
C'est bientôt la fin des vacances ; ça me rends nostalgique. Je pense à Antoine et sa colo... Il doit avoir fini. Je lui ai envoyé une carte la semaine dernière. J'espère qu'il l'a reçue...
03 Septembre 2012 Une croix. Une croix bleue. Sur le test de grossesse...
Je suis enceinte. A seize ans. Je n'en reviens pas. C'est à cause de ces types là ! Avec leurs saloperies de marijuana ! A la base, si j'ai pris un test, c'était juste pour rire, un pari, avec une copine. Et voilà qu'il m'annonce innocemment que j'attends un bébé. Formidable ! Je n'ai que ça à faire après-tout ! Qu'est ce que je vais dire à maman ? Elle n'est même pas au courant que je ne suis plus vierge. Je ne peux pas lui annoncer ça du jour au lendemain ! Tant pis.
Je pourrai en parler à Antoine. Je n'ai toujours pas de nouvelles de lui. Quoique, je peux pas lui dire que le premier truc que je fais quand il n'est plus avec moi durant les vacances c'est baiser à tour de bras ! Je vais me débrouiller seule.
12 Septembre 2012 Je sors de la clinique. Ils m'ont débarrassé du clandestin. Je crois que le gynéco avait pitié de moi ; il m'a offert l'opération et m'a fait promettre de ne plus faire de conneries. Je lui doit une fière chandelle à ce type. Je vais tenir parole.
20 Septembre 2012 Antoine est un salop ! Il s'est tiré aux USA. Sans me prévenir. Comme ça.
C'est un abruti. Il n'a pas voulu de ce que je lui offrais. Tant pis, d'autres seront moins bêtes.
1er Novembre 2012 Me voilà devant le portail. Ma valise m'accompagne, posée sur le trottoir, grosse, presque débordante, lourde de souvenirs, un bagage quoi. Un truc qui entrave la démarche, et qui semble sans cesse attendre. La mienne est presque en train de me regarder. Ça me fait froid dans le dos.
Un casque audio ceint mon cou, les notes de "
Pumped Up Kicks" s'en échappent.
Une inscription orne une plaquette dorée cloutée sur la cloture : « Académie Seikoiko ».
Wa. La classe.Papa a eu raison de m'envoyer ici.
Il est temps de reprendre ma vie en main. J'espère simplement que je ne vais pas regretter d'être venue là.
Advienne que pourra.
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Lun 8 Avr 2013 - 10:26
