Kimberley Shanna Wright

Kimberley a un physique qui ne choque pas. Il peut être aussi mignon qu'affreux. Un physique, à la base de personne normale. Beaucoup trop normale. Elle est comme vous. C'est-à-dire que le matin, elle aussi, elle baille à s'en décrocher la mâchoire, les cheveux sur la tête en une esthétique choucroute, les cernes en dessous de ses yeux.
Elle aussi, elle passe par la case coiffure et brossage de dents. Ce n'est pas la petite fille parfaite qui se réveille avec un teint de pêche, des boucles soyeuses qui tombent sur ses épaules en une cascade miroitante. Enfin, nous nous égarons.

Kimberley a toujours vécu dans l'ombre de sa mère, grande top model reconnue dans le monde entier. Alors vivre toujours dans l'ombre de sa mère, forcément, ça l'a un peu traumatisée. C'était la "fille de" et les gens étaient toujours choqués de voir à quel point elles ne se ressemblaient pas. Alors, un jour, vers ses quatorze ans, elle a pris les choses en main. Relooking complet.

Adieu les yeux marron cochon, et bonjour les iris verts. Les longs cils noirs allongés par des mascaras. Adieu les jeans et les t-shirt de la vie de tous les jours. Maintenant, elle arborerait fièrement jupes courtes et caraco mignons. Ses cheveux. Même changement. Ajout d'extensions. Et accessoires mignons. Inspirée par le style kawaii provenant du Japon, elle a changer du tout au tout. Elle est passée de la gamine passe-partout à celle qu'on remarque dans la rue. Utilisation de lotions auto-bronzantes, de crème hydratantes, de poudres pailletés, de gloss brillant et autres produits mauvais pour la peau. Mais bon, elle était belle, et elle se sentait mieux. Regardée.

C'est une fille très (trop) complexée par son physique. Parce qu'elle a longtemps été l'ado ingrate de service. Les cheveux ternes, le teint pâle, l'uniforme désordonné, elle n'avait rien du charme naturel des pom pom grils de son collège. Loin de là. C'était plutôt la fille qui se cale au fond de la classe. Loin des regards.

Et pourtant, ce n'était pas à cause de la popularité envahissante de sa mère Parce que dans ce collège réputé de New-York, elle n'était pas la seule "fille de". Et d'ailleurs, elle a très vite compris que dans cet univers, il fallait faire de ses semblables ses plus proches amis. C'est pourquoi, elle est toujours entourée de sa clique de copines. Des "filles de" aussi. L'une d'une chanteuse hasbeen et l'autre d'un homme d'affaire sans pitié. C'est une fille coquette qui aime faire du shopping avec ses amies. Paresser à Central Park. Accompagner sa mère à ses différents shootings. Rencontrer des célébrités new-yorkaises. Paresser dans leur luxueux appartement, situé en haut d'une tour immense. Tel était son quotidien.

Demander lui comment elle aurait été si elle avait vécu dans l'anonymat, elle vous dira qu'elle ne connait pas, et qu'elle ne connaitra sans doute jamais cette vie. Donc, qu'elle ne peut pas en juger.

Ce n'est pas une fille prétentieuse, qui se comporte en peste internationale. Elle est aussi assez naïve, et rebelle. Elle n'aime pas écouter sa mère, maintenant qu'elle a acquis sa propre notoriété. Et elle veut vivre de ses propres ailes. De ce qu'elle aime faire.
La musique. Elle donnerait tout pour arrêter définitivement d'être prise pour la gosse qui voulait imiter sa mère.

Les garçons ? Elle sait qu'elle est hétérosexuelle, parce qu'elle est attirée par eux. Elle sera plutôt du genre à mater un beau mec qu'une nana avec une grosse poitrine. C'est juste qu'elle a la tête trop prise par sa passion et ses études pour penser à avoir un petit ami.

Vous l'aurez compris, Kimberley est une étoile montante de la pop américaine. Surprotégée par sa mère qui connait déjà un peu le milieu sans pitié de la popularité, les séances de photographies, les interview, les paparazzis et autres choses embêtantes, elle rêve de faire de sa musique un message qui touchera les gens. Elle est un peu naïve, oui. Mais apparemment, sa voix est "intéressante".

- Katy ! Par ici !
- Par ici !

C'est comme cela que commence ma vie. Une mère top model. Posant sur de grands magasines de mode. Et moi, sa chère fille. Au début, quand j'étais gamine, on m'accordait de l'attention. J'étais LA fille de Katerina Wright. La nouvelle icône du glamour et de la beauté. J'étais l'adorable petite Kimberley. Et puis en grandissant, je suis devenue plus... moche. Oui, c'est ça. Mais vraiment plus moche.

- Katy ! A droite !

Séance habituelle de photos. Ma mère était vraiment belle. Et contrairement à moi, elle était partie de rien. Juste son physique remarquable. Alors que moi, j'étais une fille "intelligente et sage" comme elle disait. C'était toujours la cohue autour de l'appart'. De jour comme de nuit. Ces satanés paparazzis arrivaient toujours à s'introduire dans notre vie. C'était ce qui avait faire fuir mon père, d'ailleurs. Installé à Tokyo, loin de nous, il avait pris ses distances, on pouvait le dire. Pour cette sortie express, elle m'avait filé des chaussures à bout ouvert, avec des talons de 10 cm. J'avais l'air d'un clown sur des échasses. Et encore...

- Kim. Viens poser avec moi ! m'appela ma mère.

Comme d'habitude, de mauvaise grâce, j'acceptais. Elle me prenait par la taille et offrait aux objectifs son sourire le plus artificiel dont elle était capable. Cela m'exaspérait. Un flash. Je plissais les yeux. Un deuxième.

- Katy ! Encore une photo de toi !
- Oui rien que de toi, Katy !

Et je m'en allais. C'était toujours pareil. Je ne comprenais pas ce qui poussait ma mère à me faire poser avec elle à chaque fois. Soit elle était aveugle, et elle ne voulait reconnaitre que j'étais moche, soit elle était égoïste. Et je lui servais de faire-valoir. Je fréquentais un lycée assez réputé à l'époque. J'avais deux amies. Des "filles de" elles aussi. Prises comme des prétentieuses, on avait abandonné. Le shopping, c'était beaucoup plus fun. Et les soirées entre amies à se regarder un bon film. Ça, c'était le must. Et puis, on avait beau être des "filles de", ça ne nous empêchait pas de manger ce qu'on voulait. Imaginez pas qu'on était ces filles poursuivies par les nutritionnistes. Jusque là, je vivais dans l'Anonymat. Jusque là.

Bon, il est temps de passer à l'élément déclencheur. Oui, c'est là que mon histoire devient intéressante. Enfin, devrait.

DONC. C'était à la Fashion Week. Le dernier jour. Ma mère venait comme d'habitude, pour poser avec les nombreuses mannequins du célèbre Avery Asteria. Un styliste renommé partout dans le monde. Sa nouvelle collection sonnait comme une vague de fraicheur dans le monde de la mode. Comme d'habitude, nous avions des places devant. A peine assises, les journalistes se sont pressés autour de nous. Alors, que les flashes crépitaient de nouveaux, et qu'elle répondait aimablement à toutes les questions, un micro me fut présenté.

- Vous êtes la fille de Katy ?

Je hochais bêtement la tête.

- Alors, comment trouvez-vous la collection ?
- A vrai dire, je la trouve assez nulle. Et que ces fringues font un peu pétasse.

Voilà, c'était dit. Le journaliste et son caméraman étaient restés là à me fixer longtemps, bouche bée, avant de remballer leur matos et de s'enfuir. Je ne pouvais pas les rattraper. Et quand la Fashion Week fut finie. La vidéo fut postée sur Youtube et vue par plus de 2 millions de curieux. L'attachée presse de ma mère eut tout le mal des mondes à la retirer du net, définitivement.

J'étais privée de sorties et ma mère ne m'adressa plus la parole pendant une longue semaine. En parallèle, je devais gérer la crise de mes amies, qui elles aussi rencontraient des problèmes avec la célébrité. On fit après quelques articles comme quoi j'étais "l'ado sauvage de Katerina Wright". Et puis, une boite de production commença à s'intéresser à mon cas. On me proposa un contrat. Mais ma mère refusa, directement. mais j'avais plus d'un tour dans mon sac.

- Oui, allô ? Je pourrais parler au producteur, Félix Tohmson ?
- Excusez-moi, il n'est pas encore là. Voulez-vous que je lui fasse passer un message ?
- Dites-lui que Kimberley Wright a appelé au sujet de sa proposition et qu'elle accepte.
- Très bien, c'est noté. Bonne journée à vous.

Voilà, j'ai désobéi. Et qu'est-ce que je me sentais bien. Aussitôt je me suis rendue dans la boîte de production, située au centre de New York. Félix Tohmson était particulièrement heureux de me voir ici. Et il me fit faire mes premières gammes. Puis, il me conseilla un bon relookeur. Parce qu'avec cette tenue et mes manies de me bouffer les ongles, je n'irais pas loin. Sauf si je voulais taper dans le style punk ou gothique.
Aussitôt dit, aussitôt fait. J'étais partie, avec l'approbation de ma mère (j'avais homis de lui dire pour quelles raisons je désirais changer de look).

J'étais sortie avec le style mignon des filles de ma génération. Jupes courtes, avec des chaussettes hautes, des tissus agréables au toucher, des accessoires de fashionistas. J'étais comme sortie tout droit d'un conte pour enfants. Avec mes extensions, j'aurais même pu m'improviser Raiponce des temps modernes.

Quelques jours plus tard, j'enregistrais toujours en cachette ma première chanson. Une reprise remaniée d'un vieux tube entêtant. J'avoue que ce n'était pas trop mon délire. J'avais l'impression que ce fameux Félix n'était qu'un vieux nostalgique des années 80. Et qu'il me ferait recycler tous ses vinyles.

Pourtant, la chanson marcha plutôt bien. Même trop bien. Car, elle parvint très vite aux oreilles de l'attaché-presse de maman, et donc à celle de ma mère. C'était la catastrophe. Mais elle ne put renier que j'avais du talent. Et devant les supplications du producteur, elle concéda à ce que j'enregistre un album. Juste un. Et qu'elle serait là à chaque passage au studio. J'étais assez heureuse. En une année, tout fut bouclé. Quelques artistes m'écrivirent des chansons. Que j'interprétais du haut de mes quinze ans.

- Kim ! Par ici !
- Fais-nous un grand sourire !
- A droite !

Et puis, j'ai conviée à des galas. Je n'étais plus la fille de Katerina Wright, mais moi-même. Le choc fut très lourd. Car aussitôt, on me voulut sur les couvertures de magazines pour jeunes. Ou plus adultes. Je multipliais les rendez-vous pour les interview, les radios, les émissions télés. Les paparazzis nous suivaient qu'on aille à l'autre bout du monde ou pas.

Ma mère décida de m'envoyer dans l'académie Seikoiko afin que je retombe peu à peu dans l'anonymat. Ici, j'étais une élève comme les autres. Bon. Peut-être un peu exubérante avec mes manies de sainte-nitouche. Mais... On n'allait pas me changer comme ça. Et puis, maman répétait que "c'était pour mon bien". Et puis en regardant le nom de l'académie elle conclut par un "Et puis, ça va te rappeler papa !"
Ma mère avait encore des progrès à faire dans l'art de l'humour... Pff...