« Voilà l'Orient, et Juliette est le soleil ! »

Juliette est une gracieuse petite demoiselle. Du haut de ses 13 ans, elle ne mesure qu'un mètre quarante, tandis que son poids oscille entre les vingt-cinq et les trente kilogrammes. Fine, svelte, seul son visage conserve encore les douces rondeurs de l'enfance. Cette charmante petite fille a une peau délicieusement pâle, assimilée par quelques-uns à de la porcelaine. De grands yeux bruns, très expressifs, ornent son visage tels deux bijoux ambrés. Un nez petit, en trompette. Et une toute petite bouche, définitivement close, puisque la demoiselle est muette. Cependant, son visage est tellement expressif qu'on devine sans mal ce qu'elle voudrait dire. Un grand sourire, ou une moue boudeuse associée à des froncements de sourcils, et le tour est joué. Elle a néanmoins la plupart du temps une expression mélancolique sur le visage. Juliette a de longs cheveux, tombant jusque dans le bas de son dos. Bouclée et acajou, sa chevelure épaisse lui donne du fil à retordre lorsqu'il s'agit de les coiffer. Au niveau de la tenue vestimentaire, il faut dire que la petite poupée s'accorde à son image. Tenues marines, telles de gros pulls blancs ou rayés, associés à de jolies jupes plissées, ou encore une réelle poupée lorsqu'elle porte des robes à froufrous. Les accessoires sont chez elle un élément indispensable. Des barrettes fantaisistes aux peluches, elle porte absolument n'importe quoi. La plupart du temps, elle se balade avec des petits chats ou des noeuds dans les cheveux, ainsi qu'avec un lapin blanc dans les bras. Les couleurs le plus fréquemment trouvées sur Juliette sont le noir, le blanc et le rouge bordeaux.

Elle a l'air, comme ça, timide. Mais si vous pensez cela, c'est que vous la contemplez de loin, lorsqu'il n'y a personne dans les environs. Car moins timide que Juliette, cela n'existe pas. La demoiselle va toujours vers les gens qu'elle ne connait pas, et si elle pouvait faire en sorte que toute la terre la connaisse, elle en serait heureuse. Oh, elle n'a pas un délire de mégalomanie ou de supériorité, non, rien de tout ça. Elle veut simplement propager sa joie à tout le monde. Parce que la demoiselle est une jeune idéaliste : elle déteste tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la mort, à la violence, au sang, et voudrait que le bonheur soit accessible à tout un chacun. De nature, elle est aussi très curieuse. Comme elle sait se faire discrète, elle apprend beaucoup de choses en écoutant ce qu'elle ne devrait pas forcément entendre. Muette, peut-être, mais pas sourde, et elle a de plus une mémoire plutôt bonne dont elle se sert, en général à bon escient, mais ne sait-on jamais ! La poupée est en revanche du genre capricieuse. Si elle accepte tout le monde à ses côtés, cela est rarement réciproque lorsqu'elle se met à vouloir quelque chose que quelqu'un a les pouvoirs de posséder. Qu'il s'agisse d'une sucette ou d'une robe en velours, si elle peut l'avoir par l'intermédiaire de quelqu'un, ce «quelqu'un» doit s'attendre à des demandes, puis à une véritable crise. Détestant qu'on lui tienne tête, si on résiste à son charme enfantin et à sa crise de colère, elle n'aura de cesse de chercher à se venger. Gentille ... Oui, en toute autre occasion que celle citée précédemment. Pour le reste, on peut dire d'elle qu'elle est extrêmement polie, remerciant avec quelques courbettes à la méthode japonaise, saluant d'un grand signe de la main, etc. Étant une gamine, elle ne tient pas vraiment en place, et elle aime par dessus-tout se balader. Cependant, si elle doit rester tranquille, elle le fera, car cela signifie qu'on lui en a donné l'ordre, et Juliette est bien obéissante. Peut-être même soumise, en fait, tant elle obéit aveuglement à tout le monde. A physique de poupée, caractère de poupée.

C'était un matin radieux qui se levait sur le sud de la France. Un matin radieux pour accueillir dans la joie, et la bonne humeur, la naissance d'une enfant prénommée Juliette, et de celui qu'elle nommera intérieurement son «turbulent double maléfique» alors qu'il sera aussi sage qu'elle, son jumeau Tybalt. Oui, les parents avaient pioché les noms dans la fameuse pièce de théâtre Roméo & Juliette de Shakespeare. Ils en étaient absolument fous, d'autant plus que c'était lors d'une représentation de cette pièce qu'ils s'était rencontrés. Passons.

Juliette et Tybalt étaient des enfants plutôt gentils, mignons, et qui s'adoraient, malgré leurs incessantes chamailleries. Si Juliette se trouva vite un talent pour le dessin, Tybalt, lui, avait une voix en or. Sa jumelle, muette, ne se lassait jamais de l'écouter, et chaque fois qu'elle le pouvait, elle lui demandait de chanter. En général, une chanson équivalait à un dessin. C'était la règle tacite, l'accord secret qu'il y avait entre eux.

A l'école, ils ne furent pas séparés. Toujours dans la même classe, ils étaient en fait inséparables. Et cela valait mieux pour la demoiselle : muette, elle avait du mal à nouer un contact avec les autres, aussi son frère lui servait-il beaucoup, puisqu'il attirait les gens, presque naturellement. Malgré son mutisme, Juliette fit rapidement comprendre aux autres qu'elle était une enfant absolument comme eux, avec des envies, des rêves et des espoirs, et aussi une bonne dose d'espièglerie. Le petit duo des jumeaux finit par devenir un véritable cercle de 7 amis, donc 4 garçons et 3 filles : Marc, Lucas, Julian et Tybalt ; Lise, Anna et Juliette.

« Et là, c'est le drame. »

Les parents des jumeaux, alors âgés de 10 ans, partis en voyage, eurent un accident dans lequel ils moururent tous deux. Et pour ajouter à leurs malheurs, les enfants furent séparés. Sitôt l'accident arrivé, voilà qu'ils partaient, dès leurs valises prêtes, dans deux familles d'accueil. La souffrance de leur séparation fut bien plus terrible que tout ce qu'ils avaient connus, surtout si peu de temps après la tragédie ayant touché leur famille. Mais ils eurent la chance de pouvoir continuer à se voir, et ils ont surtout les lettres pour communiquer.

La famille d'accueil était agréable, et elle n'eut à se plaindre de rien. Tout, ou presque, était parfait. On lui demanda juste de jouer d'un instrument, ce qu'elle trouva totalement illogique : si elle n'avait pas demandé à en faire, c'est que cela ne l'intéressait pas. Néanmoins, elle choisit le piano, afin de satisfaire ses «parents» adoptifs.

Et puis, finalement, il se trouva que Juliette en eut assez de vivre dans une famille parfaite où jamais rien ne se passait : pas de chamailleries, pas de chansons, rien de que de la musique qui sonnait atrocement à ses oreilles et des visites de musées, de galeries et d'expositions à n'en plus finir. Elle avait cependant réussi à trouver le numéro d'une Académie, et les personnes en charge d'elle finirent par accepter, à force de supplications de sa part, de l'y inscrire. Et la voilà, pauvre petite poupée, livrée à elle-même.